France, la folie du Maine coon

Le Maine Coon aurait atteint l'Europe par l'Allemagne en 1972, puis la France en 1981 avec Charly de Silvercoon, un mâle noir et blanc. Malheureusement, je n'ai trouvé aucune image de ce chat si symbolique pour les amateurs français... Si l'un d'entre vous a plus d'info, ça m'intéresse et je veux bien être tenue au courant via un commentaire sur cette page ou la page contact . Quelques années après l'arrivée de Charly, le premier club de race en France, l'Association Féline du Maine Coon (club aujourd'hui disparu) est créé en 1987 témoignant du succès naissant du matou.

Sur le site du LOOF (crée en 1996 pour rassembler les différents livres des origines co-existants jusque là), nous disposons de données complètes au moins depuis 2003. Les statistiques de pedigree par race permettent de suivre l'évolution du nombre de Maine Coons déclarés et de voir son incroyable popularité se confirmer d'année en année.

En 2006, le Maine Coon entre dans le trio de tête des pedigrees, détrônant le Chartreux (cette année là, l'ordre est 1-Persan ; 2-Sacré de Birmanie ; 3-Maine Coon ; 4-Chartreux ; 5-Norvégien). En 2010, il se hisse à la 2e position et le Persan ne sauve sa première place que de 55 chatons (4491 pedigrees pour le Persan vs 4336 pour le Maine Coon)... première place que le Maine Coon lui chipe en 2011 avec 618 chatons "d'avance".
A partir de là, il rencontre un succès délirant et écrase littéralement toutes les autres races : en 2014, il représente 25% des pedigrees en France. Pour ceux qui sont fâchés avec les pourcentages, 25%, c'est 1/4.... c'est à dire que pour 4 chats LOOF nés en france, il y en a 1 qui est un Maine Coon. Sachant qu'en 2014, je compte 59 races déclarées, c'est un remarquable résultat. Mais ce n'est pas fini : en 2017, c'est 31% puis en 2023 le Maine Coon atteint le pic de 43% des pedigrees délivrés.
 
Part du Maine Coon sur l'ensemble des pedigrees par an

Néanmoins, si l'on regarde les chiffres bruts et non plus les pourcentages, on peut voir une diminution du nombre de pedigrees de Maine Coon depuis 2 ans. Certes, le tassement de 2023 (-824 pedigrees) est général, sans doute un ralentissement "post covid" après deux années de fortes hausses. Mais la baisse se poursuit l'année suivante, avec un recul de -1677 pedigrees qui - proportionnellement - est un recul plus important que le recul global des pedigrees.

Nombre de pedigrees par an, zoom sur 10 races

Si l'on regarde les courbes d'évolution Total Pedigrees vs Pedigrees de Maine Coon, on voit qu'il commence à se laisser distancer en 2020 . Bon, évidemment, quand je dis distancer, tout est relatif bien sûr... Disons qu'en 2020 et 2021, l'augmentation du nombre de pedigrees MC est proportionnellement plus faible que l'augmentation globale toutes races confondues.

Evolution du nombre de pedigrees, total et MC, par an

A voir ces chiffres, je me demande si nous n'aurions pas atteint un plateau. Serions-nous sur le point de voir la part du Maine Coon quelque peut décliner ? Ce propos vous étonnera peut-être venant d'une éleveuse, mais je me dis que ça ne serait pas forcément un mal. La folie du Maine Coon a contribué à certaines dérives qu'il serait bon d'enrayer.

Evolution nombre de pedigree d'une année sur l'autre
 
En premier lieu, je pense bien entendu aux élevages - ou plutôt pseudo-élevages - foireux qui ont poussé malgré les efforts du législateurs pour mieux encadrer cette activité. Certains épuisent leurs femelles avec trop de portées ; ou font vivre trop de chats ensemble contribuant à la propagation de maladies, de parasites et/ou de troubles comportementaux. D'autres tolèrent un taux de consanguinité élevé pour renforcer certains traits, ou s'économiser l'achats de reproducteurs ; quelques uns rognent sur la qualité de l'alimentation et/ou du suivi vétérinaire.... 

Mais il y a une deuxième importante dérive à laquelle je pense : c'est la recherche de l'hypertype que l'on voit se développer depuis quelques années. Cela permet aux éleveurs de se faire remarquer, en proposant des chatons de plus en plus spectaculaires, mais aussi aux propriétaires de se singulariser avec un Maine Coon, "pas comme les autres". Sur le sujet, j'ai un peu tendance à mettre tout le monde dans le même sac... L'éleveur, dont certains n'ont en effet pas beaucoup d'éthique, mais aussi l'acheteur qui cherche un chat se démarquant des autres sans se poser la question des conséquences de cette recherche de l'hypertype. Pour moi, éleveurs et adoptants sont coupables.

La popularité du Maine Coon se justifie en partie par le super cocktail des particularités de la race : un beau gabarit, un large choix de couleur, un beau pelage mi-long qui n'exige pas un entretien très lourd, un agréable caractère, la capacité de vivre en appartement malgré sa taille, sa proximité avec l'humain... Mais il existe d'autres races très intéressantes, avec de beaux chats, eux aussi très sympa (Siamois, Somali...) , attachés à leur humain (Ragdoll, Sacré de Birmanie)... Il y a donc aussi un effet de mode, encore accentué par un effet boule de neige qui fait que le serpent finit par se mordre la queue  le Maine Coon gagne en popularité, on diffuse son image ; plus on diffuse son image, plus il gagne en popularité...
Miss Teigne dans Harry Potter

Miss Teigne dans Harry Potter

Sans être hyper-présent à Hollywood, c'est la race qui a été choisie pour représenter Miss Teigne, chatte du concierge dans Harry Potter. C'est à dire que toute personne née depuis les années 1990 a grandi en voyant Maine Coon être un personnage récurrent dans une série extrêmement populaire. Bien que Miss Teigne ne soit pas sympathique, elle a largement contribué à faire connaître l'apparence du Maine Coon. Aurait-il connu le même succès si la production avait choisi un Oriental ou un Abyssin, races nettement plus proches de la description de cette chatte dans le roman ? Faute de pouvoir refaire le film, nous ne le saurons jamais mais je me dis qu'il ne faut pas sous estimer la puissance de l'image et des effets de mode. De plus, comme le Maine est effectivement un beau chat plutôt sympa, l'image d'ensemble est très positive.

Les effets de mode étant cyclique, il ne serait pas surprenant que la folie du Maine Coon commence enfin à se tasser. D'après moi, la recherche de l'hypertype est un signal qu'il ne faut pas ignorer. Les gens commencent à chercher autre chose et j'espère que, plutôt que de continuer à vouloir un "adorable chaton hyper typé" qui, en grandissant, se transformera en gros matou à tête de tueur à gage à oreilles de lapin, certains iront chercher d'autres races de chats, originales et/ou spectaculaires, susceptibles de faire leur bonheur tout aussi bien que le Maine Coon... 

Soyons joueur : pour le palmarès 2025, je parie sur une nouvelle diminution du nombre de Maine Coon (mettons, -3200 pedigrees), suivi du Ragdoll qui piquera sa deuxième place au Sacré de Birmanie. Rendez-vous en début d'année prochaine pour vérifier la validité de cette prophétie 🐈

Podium 2025 ?

Maine coon, Ragdoll et Sacré de Birmanie

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